1 Le contexte
1.1 Situation géographique
La rivière de Ganzeville est l‘affluent principal de la Valmont, petit fleuve côtier cauchois se jetant dans la Manche à Fécamp. La Valmont et la Ganzeville sont de petits cours d'eau d‘une longueur totale d‘environ 25 Km (13,5 pour la première et 11,5 pour la seconde), dont les vallées sont orientées suivant un axe sud-est / nord-ouest. Le bassin versant de la Valmont est de 146 km2.
La Valmont prend sa source sur la commune de Valmont, au lieu dit le Vivier à une altitude de 56 m. Sa pente naturelle moyenne est de 4,2‰ et sa pente réelle est de 2,8‰. Ce fleuve côtier a deux principaux affluents : le ruisseau de Gredolle et le ruisseau de l‘Epinay. La Valmont traverse 3 communes, Valmont, Colleville et Fécamp. Sa vallée est étroite et boisée. Le fond de vallée est en herbage et présente une forte densité de plans d‘eau (la plupart d'anciennes ballastières), en eaux closes ou en communication avec les rivières.
La Ganzeville prend sa source à Bec de Mortagne et conflue avec la Valmont à Fécamp, rue des Murs Fontaines. Cette rivière traverse 5 communes dans un contexte essentiellement rural et agricole. Vers l‘amont, les deux bourgs de Bec de Mortagne et de Ganzeville constituent les zones les plus densément occupées en fond de vallée. A l‘aval, Fécamp (où la Ganzeville conflue avec la Valmont) est la dernière commune que traverse la rivière. Sa vallée est étroite et légèrement dissymétrique, avec un versant abrupt et boisé, et un versant en pente douce couvert de pâtures et de cultures intensives.
Une des sources de la Ganzeville, Chemin des Ponts, au Bec-de-Mortagne
1.2 Géologie: formation du réseau hydrographique
Le sous-sol des bassins versants est constitué par la craie du crétacé. Cette craie affleure sur les flancs de vallée (où on rencontre le Cénomanien, le Turonien et le Sénonien) ; elle est recouverte sur les plateaux par ses produits d‘altération (formation d‘argile à silex) et par des limons. Le fond de vallée présente des formations superficielles d‘origine alluviale.
«Au cours de l‘ère tertiaire, avant le Pliocène, sur le Pays de Caux, situé à peine au-dessus du niveau de la mer, la circulation de l‘eau s‘effectuait essentiellement en surface. » (d‘après J. Ragot, 1997). Puis au début du Pliocène, un soulèvement régional s‘est produit entraînant un recul définitif de la mer. Le réseau hydrographique actuel s‘est mis en place à la fin du Pliocène. Il a, sans doute, été guidé par des déformations tectoniques importantes du Bassin Parisien sous l‘effet de la poussée provoquée par le plissement alpin. Le soulèvement affecte surtout les bordures dont le Pays de Caux. Au fur et à mesure du soulèvement, le niveau 0 de la mer est devenu de plus en plus profond et les eaux de surface se sont, de plus en plus enfoncées dans le plateau crayeux et ont circulé en nappe souterraine pour regagner la mer. Ainsi sur 90% de son trajet, le réseau est constituée de vallées sèches dans lesquelles l‘eau ne s‘écoule normalement que lors de fortes précipitations.
De ces déformations tectoniques, on observe des falaises de craie du Crétacé supérieur qui est une craie marneuse à silex. Il existe aussi « une grande faille Lillebonne-Bolbec-Fécamp qui prolonge un système de failles que l‘on suit depuis le Massif Central le long des cours de la Loire, puis de la Seine » (d‘après J. Ragot, 1997).
La Vallée de la Valmont est caractérisée par une formation géologique de sablière. En effet, au-dessus de la craie blanche du Coniacien se trouve une succession de formations sableuses datant du Pliocène. Ces dépôts se sont mis en place lors des dernières transgressions marines.
La Vallée de la Ganzeville se trouve sur le compartiment surélevé par la faille Fécamp-Lillebonne. Elle est creusée dans la craie marneuse du Turonien inférieur et moyen. Au niveau des versants, en basse vallée, affleurent les niveaux du Cénomanien : la craie glauconieuse et la craie de Rouen ainsi que les niveaux de l‘Albien supérieur : marne silteuse et glauconieuse.
1.3 Topographie
La topographie des bassins versants de la Valmont et de la Ganzeville est caractéristique des vallées des fleuves côtiers du Pays de Caux : les plateaux limoneux et les talwegs secondaires forment un relief vallonné. Ces talwegs convergent vers des talwegs principaux situés sur des pentes importantes. Ces derniers constituent ainsi des axes de drainage des plateaux périphériques et forment un réseau plus dense vers l‘aval.
Le relief est progressivement subhorizontal à ondulé avec des pentes faibles (< 2 %). Les plateaux présentent également de nombreuses dépressions d‘origines karstiques qui modifient localement la topographie et influencent le fonctionnement hydraulique. Ces deux vallées se rétrécissent de plus en plus vers l‘aval, et reçoivent quelques petites vallées secondaires très pentues, perpendiculairement à leur axe d‘écoulement.
1.4 Pédologie
Il résulte des plateaux la formation de sols bruns, issus des limons éoliens. En effet, les terrains crayeux recouverts d‘argiles à silex et d‘une couche de limon acide constituent un sol très riche. Les sols bruns sont aussi sensibles au phénomène de battance, c‘est-à-dire une destruction des agrégats superficiels par la pluie, qui provoque une crôute superficielle de battance, peu épaisse, très imperméable. l‘aptitude de ces sols au ruissellement est donc élevée car le taux d‘argile est faible et n‘assure pas de cohésion suffisante entre les agrégats.
Sur les pentes fortes des talwegs encaissés, sont présents des sols issus des formations résiduelles d‘argile à silex. Ces sols ont une teneur en argile supérieure à 18%, ce qui les rend moins aptes au ruissellement. Les colluvions sont des dépôts de sédiments arrachés par l‘érosion sur les plateaux ou dans les talwegs. La teneur en argile est faible, inférieure à 10%. Les sols et les formations superficielles jouent un rôle dans l‘épuration et la filtration de l‘eau qui atteint la nappe phréatique.
2. Présentation des rivières de la Vallée de la Valmont et de la Ganzeville
2.1 Régime hydrologique
Les caractéristiques hydrologiques des deux cours d‘eau sont liées à la structure géologique de leur bassin versant : ils sont alimentés par des résurgences de la nappe phréatique. Les débits sont soutenus relativement tard dans la saison. En effet, le rapport entre le débit au module (débit moyen calculé sur une année hydrologique de septembre à aout) et de débit d'étiage (débit le plus faible) est en moyenne, d'environ 1.5 ce qui est faible et témoigne d'une faible différence entre les débits d'étiage et les débits en situation normale : ceci montre bien la régularité des apports assurés par la nappe de la Craie, et notamment l'important soutien lors de l'étiage.
En moyenne, le débit de la Valmont est de 0.826 m3/s à Colleville. Jusqu‘en Janvier 2006, les valeurs de débit de la Valmont étaient calculées à partir d‘une échelle de port située à Fécamp dont la hauteur d‘eau était relevée tous les mois. Une station de mesures de débits est située à Ganzeville et représentait le point de référence débit pour les deux rivières. Depuis Janvier 2006, une station de mesures de débit a été installée sur la rivière de Valmont, à Colleville.
Mois | J | F | M | A | M | J | J | A | S | O | N | D |
Débit (m3/s) |
0.844 | 0.864 | 0.858 | 0.848 | 0.862 | 0.844 | 0.795 | 0.773 | 0.764 | 0.780 | 0.816 | 0.866 |
Données mensuelles de la Valmont à Colleville calculées sur les 16 dernières années (2005-2020) . source : banque hydro DREAL
Cours d'eau | Localisation | Etiage (m3/s) | Module (m3/s) |
Crue décennale (m3/s/jour) |
Crue centennale (m3/s) |
Valmont | Colleville | 0.696 | 0.826 | 2.3 | non calculée |
Valmont | Fécamp | 1.2 | 1.78 |
Débits de référence de la Valmont calculées sur les 16 dernières années (2005-2020); source : banque hydro DREAL
D'après les mesures réalisées à la station de jaugeage à Ganzeville, la Ganzeville a un débit d'environ 0.8m3/s, à Ganzeville. Elle a un débit soutenu par les sources dont la variabilité moyenne est faible.
Mois | J | F | M | A | M | J | J | A | S | O | N | D |
Débit (m3/s) |
0,806 | 0,826 | 0,832 | 0,835 | 0,844 | 0,822 | 0,817 | 0,788 | 0,760 | 0,753 | 0,773 | 0,783 |
Données mensuelles de la Ganzeville calculées sur 52 ans (1964-2016) . source :banque hydro DREAL
Cours d'eau | Localisation | étiage (m3/s) | Module (m3/s) |
Crue décennale (m3/s/jour) |
Crue centennale (m3/s) |
Ganzeville | Ganzeville | 0.4 | 0.8 | 2.2 | non calculée |
Débits de référence de la Ganzeville calculés sur les 52 dernières années ; source :banque hydro DREAL
2.2 Catégorie piscicole
Le substratum présent (craie du Crétacé supérieur), crée un débit soutenu et une forte minéralisation de type bicarbonatée-calcique qui permet une bonne productivité biologique. En effet, la présence de truites de mer (partie aval des cours d‘eau) et de truites fario font que la Valmont et la Ganzeville possèdent une vocation salmonicole (dite de première catégorie), et sont donc soumises aux conditions de l‘article L 214-17 du Code de l‘Environnement qui stipule que la continuité écologique (transit sédimentaire et circulation des poissons) doit être assurée.
2.3 Qualité des eaux des rivières
D'après les mesures réalisées par l'Agence de l'Eau entre 2014 et 2016 qui prennent en compte les paramètres du SDAGE 2016-2021, l'état écologique de la Valmont est bon. Cependant, l'azote et le phosphore sont des paramètres déclassants. Ces apports sont essentiellement liés à l'activité agricole. Les eaux de ruissellement apportent ces éléments. Concernant l'état chimique de la Valmont, il est noté mauvais, en raison des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) provenant d'une combustion incomplète d'hydrocarbures. On peut supposer que le trafic routier est responsable de cette pollution, d'autant plus que les routes sont sur la majorité du linéaire de la Valmont, à proximité de la rivière.
Concernant la Ganzeville, l'état écologique et l'état chimique sont bons.
Source: Qualité des rivières en Seine Aval de l'Agence de l'Eau - mai 2018
2.4 Les espèces piscicoles présentes
Le plan départemental pour la protection des milieux aquatiques et la gestion des ressources piscicoles de 2022 précise le peuplement observé sur la Valmont et la Ganzeville, lors de pêches électriques :
- truite fario
- anguille
- chabot
- épinoche
- perche (poisson de plan d'eau -cyprinidés)
- lamproie
- saumon atlantique
- truite arc en ciel (salmonidé de piscicultures)
- épinochette
- truite de mer
- lamproie de Planer
Les espèces cibles au titre de la restauration écologique des cours d'eau (RCE) sont :
- l'anguille
- la lamproie fluviatile
- la truite fario
- la truite de mer
- le saumon atlantique
3. Les activités humaines et l‘occupation du sol
3.1 l'héritage du passé
La présence de sources, le limon du plateau, les versants adoucis et la topographie peu accidentée ont contribué à l‘installation de l‘Homme dès la Préhistoire. C'est à partir du XIXe siècle que les rivières ont commencé à être aménagées par des canaux et par l‘installation de moulins. Ainsi, les moines bénédictins ont créé un réseau d‘eau douce à partir de la rivière de Ganzeville dans le but de s'approvisionner en eau. Ce canal se nomme « la Voûte ». A la fin du XVIe la petite industrie commence à s'implanter autour des moulins. Puis, jusqu‘au XVIIIe, le foin coupé dans les zones inondables était une production très importante pour la région. Au XIXe, la production laitière fait son apparition et se développe, provoquant ainsi le passage des prairies de fourrage en pâturage. Les prairies sont alors amendées par des techniques d‘assèchement. Les vallées commencent à s'industrialiser (sucrerie, linerie sur la Valmont, industrie du textile sur la Ganzeville) et les rivières à être canalisées. Puis, les vallées s'urbanisent autour des usines, comme Colleville autour de la sucrerie.
3.2 l'occupation du sol
L‘occupation du sol sur les plateaux est essentiellement agricole. Les plateaux sont dominés par la polyculture et l‘élevage, sur des parcelles d‘assez grande dimension. Les bois sont sur les versants les plus abrupts des talwegs principaux. De nombreuses ballastières, en communication par des ruisseaux, sont présentes dans le lit majeur de la Valmont.
Afin de mieux rendre compte de l‘occupation du sol près des rivières, les données ont été recueillies au niveau de la berge en mètres linéaires et non au niveau de la surface parcellaire. Sur les sols riverains des deux rivières se trouvent :
Type d‘occupation du sol | Linéaire concerné en ml | Proportion en % du linéaire total de berges |
Habitations | 11 289 | 27% |
Jardins entretenus | 3 923 | 9% |
Etangs | 2 374 | 6% |
Bois | 5 190 | 12% |
Prairies | 5 317 | 13% |
Herbages clôturés | 6 101 | 15% |
Herbages non clôturés | 2 239 | 5% |
Cultures, potagers | 1 326 | 3% |
Piscicultures | 668 | 2% |
Infrastructures (routes, parkings, voie ferrée) | 3 344 | 8% |
La rivière de Valmont et celle de Ganzeville possèdent un cours moyennement rapide serpentant dans leur fond de vallée respectif, généralement occupé par des herbages pâturés. En effet, l‘élevage représente la principale activité des fonds de vallées. l‘occupation du sol est donc rurale jusqu‘à l‘entrée de Fécamp.
En synthétisant:
Les herbages clôturés ou non clôturés, les bois, les étangs et les jardins entretenus constituent les linéaires « naturels ».
Les linéaires « cultivés » sont constitués des parcelles cultivées, des cressonnières et des potagers.
Les linéaires « urbanisés » rassemblent les habitations et les infrastructures (parkings, routes..).
Les linéaires « naturels » restent majoritaires sur l‘ensemble des deux rivières (60% du linéaire des berges). Les parcelles cultivées restent à un faible taux (5%) témoignant ainsi de la faible activité de la polyculture en fond de vallée à la faveur de l‘élevage (20% du linéaire des berges destiné à l‘élevage). Les prairies en herbe, idéales pour l‘expansion des crues annuelles, représentent 13% de l‘occupation du sol en bordure de rivière mais sont parfois bordées d‘anciens merlons de curage. De plus, les deux rivières étant autrefois prisées pour l‘installation d‘ouvrages hydrauliques (une cinquantaine au total), on observe un bon nombre de bras perchés. Le débordement temporaire des rivières est donc fortement envisageable. La contractualisation avec les propriétaires concernés (pour permettre le maintien de ces zones inondables indispensables) demeure difficile (d‘autant plus que certaines habitations y ont été construites, en dépit de toute logique).